Les fantaisies architecturales
Ces dessins, peintures ou maquettes dites non architectoniques sont de pures représentations visuelles sans contraintes de programmes où de terrain.
Ce type de représentation apparaît vers le XVIIe siècle.
« Dans les années 1740-50 apparaît un genre nouveau : le dessin de fiction architecturale. Il ne s’agit plus de jeter sur le papier l’idée d’un monument ou d’un décor, encore moins d’en analyser les détails de construction. C’est un exercice de pure imagination. Le phénomène a été favorisé, sinon provoqué, par la publication de quelques grands recueils gravés d’architecture dans les vingt premières années du XVIIIe siècle.
Georges Brunel
Le traité du frère Pozzo est un manuel de perspective à l’usage des peintres ; il est rempli de longues et difficiles démonstrations géométriques, mais ses illustrations nous jettent dans le monde fascinant des espaces imaginaires. Celui de Ferdinand Bibiena est un recueil de formules destiné aux décorateurs de théâtre ; l’ouvrage vient consacrer une spécialité familiale et, pendant cinquante ans, deux générations de Bibiena diffuseront et exploiteront, à travers l’Italie, l’Espagne et les pays germaniques, les trouvailles et les surprises dont Ferdinand avait codifié les recettes.
Enfin, et c’est sans doute le plus important, Fischer von Erlach publie la première encyclopédie illustrée de l’architecture universelle. Il offre à ses lecteurs tout un prestigieux répertoire de visions architecturales, depuis Babylone et l’Égypte jusqu’à la Vienne de Joseph 1er). L’influence de Fischer von Erlach sur les architectes de la génération qui arrive à Rome entre 1740 et 1750 est primordiale, sur les Français et aussi sur Piranèse.
En haut et à droite : Andrea Pozzo
En haut et à droite : Ferdinand Galli Bibiena
En haut et à gauche : Fischer von Erlach
Ce sera la grande tradition des tableaux d’architecture ou de la prospettiva (à la fois peintures de paysage, d’architecture et de décor), de la fiction architecturale, des villes idéales et de l’utopie archéologique ou de l’archéo-fiction du XVIIIe siècle.
« Ces images qui ne sont pas des représentations de projets au sens traditionnel du terme et qui ne sont pas directement utiles dans le processus de construction, ont néanmoins toujours eu une grande influence dans l’histoire récente de l’architecture. Il s’agit d’exercices de style, des gestes graphiques qui passent dans l’histoire de la représentation comme des météores de séduction, avec un statut autonome, comme un tableau ou une sculpture, sans la contrainte d’avoir à représenter un objet ou un projet extérieur à l’image. »
Antonio Lopez de Losada, Temple de l’honneur et de l’immortalité – 1772
Des images libres, des fantaisies dont l’énergie purement picturale est une énergie d’effet et de présence, inventive de formes et souvent dans des domaines peu théorisés mais tout à fait essentiels, comme les habitudes de composition et de graphisme, les modèles morphologiques en usage, les types de représentation, etc. L’apport des arts visuels au dessin d’architecture passe par ces sortes d’images.
Jean-René Billaudel, Un salon pour des académies – 1754
Pierre-François-Léonard Fontaine, Un monument sépulcral à l’usage des souverains d’un grand empire – 1785
Si les principes de l’unité classique et baroque perdurent, d’autres types de tracés sont venus, depuis le XVIIIe siècle et surtout depuis le début du XXe, pervertir et enrichir la géométrie architectonique : la composition répétitive et tramée (Jean-Nicolas-Louis Durand), les courbes animales et végétales de l’Art Nouveau, les influences expressionnistes des utopistes allemands, les formes simplifiées, parallélépipédiques et axonométriques du mouvement De Stijl et du Bauhaus, les éclatements des constructivistes russes (I. Chernikhov, C. Malevitch) et les perspectives dramatiques des futuristes italiens des années vingt (A. Sant’Elia)…
La tour Einstein d’Erich Mendelsohn
Jean-Nicolas-Louis Durand, Précis des leçons d’architecture données à l’École Polytechnique,1802
Dessin de façade de l’Hôtel Guimard (construit par Hector Guimard en 1909 au 122 avenue Mozart à Paris).
Eesteren et Doesburg, maison particulière, 1923
Theo van Doesburg, le ciné-dancing de l’Aubette à Strabourg 1928
Les archives du Bauhaus, Walter Gropius 1979
La Reisfeld House à Tel Aviv de Pinchas Bijonsky – 1935
Les trois images au dessus : Illustrations de Iakov Chernikhov
Plus tard dans le XXe siècle seront introduites la géométrie répétitive des empilements de compositions polyédriques et de dômes géodésiques, la science fiction et la liberté du graphisme de bande dessinée d’Archigram des années 60, puis les trames en continues et indéfinies des bâtiments high-tech (le Centre Beaubourg par exemple) et enfin les peintures gestuelles des années 80 (Zaha Hadid), la dissonance ou la disharmonie comme principe structurant ou encore la référence au mouvement « constructiviste » russe pour les projets déconstructivistes des années 90…
De nouvelles gestuelles et des graphismes de composition, des asymétries, des collages, l’introduction du triangle, de la diagonale, des compositions proliférantes, de coupures aléatoires, etc.
Cette forme de recherche purement visuelle à apporté une part incalculable d’innovation depuis les débuts de sa pratique et est de par sa liberté, un des moteurs des évolutions récentes de l’architecture.
Ron Herron, Cedric Price, Mike Webb, Peter Cook, Archigram Londres – 1970
Jean-Laurent Legeay, (1710-1786) : Fantaisie architecturale
Autres œuvres : Compositions aux exagérations bizarres, Compositions imaginaires, Paysages fantastiques, Fantaisie de ruines classiques, Exagérations bizarres. Composition d’après une scène de « Sémiramis », Porte triomphale dans un paysage en ruines, Paysage architectural .
Giovanni Battista Piranèse, (1720-1778) : Le pont-levis, tiré de la série des « Carceri ».
Autre œuvres : Inventions, Caprices, Grotesques, Œuvres variées, Architectures Diverses, Magnificences, œuvres en partie citées précédemment.
Jean-Jacques Lequeu, (1757-1826) : Temple de la terre
Autres œuvres : Temple de verdure de Cerès situe au milieu de la pleine campagne, Aqueduc pour conduire l’eau vierge à la pointe dite de l’ile d’amour, Tribune des harangues, Maison astronomique, Entrée de la caverne infernale du jardin chinois, Guinguette du peut bois admirable lieu des oraisons Persanes (.
John Martin, 1789-1854 : Pandemonium
Autres œuvres : La destruction de Tyre, Le festin de Belshazzar, Pandemonium, La chute de Ninive, Les sept plaies d’Egypte.
Hermann Finsterlin, (1887-1973) : Maison des Atlantides.
Autres œuvres : Jeu de formes et constructions soignées, Systèmes de moulins d’âmes sur des glaciers, Voluptarium, l’Architecture Héraldique.
Bruno Taut, (1880-1938) : Maison de Christal.
Autres œuvres : Lettres utopiques, Frühlicht, Maison de cristal, Construction de l’Écorce Terrestre, Construction Stellaire, Monument de la nouvelle loi.
lakov Tcherikhor (1889-1951) Fantaisies…, Miniatures…, Variations…, Romanesques…, Contes… Fables… Paysages architecturaux, Contes de l’industrie, Romantisme architectural, Romantisme des Moulins à Vent, Villes aériennes, Souvenirs, Ensemble architecturaux des cités du futur, Palais des enthousiastes Forum des Maréchaux Rouges, Panthéon de la Grande Guerre patriotique.
Antonio Sant’Elia (1888-1916) : La Città Futurista, Città nuova, Dynamismes.
Virgilio Marchi, (1895-1960) : La ville futuriste
Autres œuvres : Manifeste de l’architecture futuriste – dynamique, état d’âme, drame.
El Lissitzky (1890-1941) : Proun
Autres œuvres : Gares de correspondance de la peinture vers l’architecture, Proumy (projets axonométriques pour l’affirmation du nouveau), Les Étriers des nuages.
Kasimir Severinovitch Malévitch, (1878-1935) : La formule du Suprématisme.
Autres œuvres : Maquettes d’architectures suprématistes, Architectones, Architectones suprématistes dynamiques, Planites, Suprimus, Futures planites pour habitants de la terre, le suprématisme volumétrique, Constructivistes.
Hugh Ferris, (1889-1962) : La métropole de demain.
Autres œuvres : Une métropole imaginaire, des tours à foison, des circulations ariennes, des églises haut perchées, des piétons au-dessus de la chaussée, des logements sur les ponts, de l’argile brute pour architectes, des immeubles à sculpter, des verticales sur de larges avenues.
Groupe Superstudio : Le monument continu.
Autres œuvres : Douze récits édifiants pour Noël. prémonitions pour la renaissance mystique de l’urbanisme (Twelves cautionary Tales for Christmass – premonitions of the mystical rebirth of urbanisme), la ville 2000 tones – la ville limaçon temporel – New York cérébral – la cité vaisseau spatial – la ville des hémisphères – la superbe et fabuleuse cité Barnum junior – la cité tapis roulant de la production – la ville conique en gradins – la « ville machine à habiter » – la cité de l’ordre – la cite des très beaux immeubles – la ville du livre.
Les collages et photomontages de Hans Hollein : sur le thème Alles ist Architektur (Tout est architecture) Hollein, rédacteur de la revue autrichienne Bau avec Oswald Oberhuber et Gustav Peichl, a conçu un numéro de cette revue sur le thème de ce manifeste.
Paolo Soleri, (1919-2013) : Arcologie – Babelnoah
Autres œuvres : la ville à l’image de l’homme, Novanoah I et IL, Noahbabel, Arcoforte, Babel IIA, IIB, IIC et IID, Arcvillage I et II, Logology, Arcanyon, Babel Canyon, Arckibuz, Arcollective, Veladiga, Arcodiga, Theodiga, Babeldiga, Stonebow, Arcbeam, Infrababel, Arcindian l et II, Thology, Arcube, Hexahedron, Asteromo, Arcosanti.
O.M.A. : Plan de Lille
Autres œuvres : La cité du Globe captif, l’Œuf de Colombus, Le Radeau de la Méduse, les dessins du groupe O.M.A., Office of Metropolitan Architecture (Rem Koolhaas et Elia Zenghelis).
Peter Cook : Arcadie (1976-78).
Autres œuvres : The Urban Mark – études métamorphosiques (1972-76), Trichling Towers (1978-79), Layer City et Shadow House (1981), Bloch City (1983), Skywaft City et Tower of Studios (1984).
Massimo Scolari : Le Désespoir de Janus
Autres œuvres : Paysages théoriques, Gas station in, Dream references from « Mémoires de Hadrien », Le rève d’Innocent III, La machine de l’oubli, Archéologie artificielle, Le Pont de la femme honnête, Caspar David Friedrich cherche le Riesengebirge, The secret town.
Arakawa et Madeline Gins : Les maisons à Destin Réversible par (1995).